L'étrange cas du Dr Nesse, Luiz Alfredo Garcia-Roza - psychiatrie, perversité et manipulation


Le Dr Nesse est psychiatre à Rio. Il suit un patient qui refuse de se faire appeler autrement que Jonas, alors qu'il se prénomme Isidoro. Mais depuis qu'il a pris ce jeune homme en charge,
un rapport très trouble s'engage entre le patient et le soignant : "Jonas avait conclu la séance comme si c'était lui, et non pas le médecin, qui distribuait les cartes". Et des phénomènes curieux apparaissent et se développent dans sa vie quotidienne : il se sent épié, suivi, voire menacé. Une crainte d'abord diffuse, qui se transforme en franche angoisse, puis en peur brute, quand il est question, dans ses entretiens avec Jonas, de sa fille, qui disparaît.

Le Dr Nesse, paraissant d'abord bizarrement indifférent à la disparition de sa fille, finit par la signaler, et Espinosa commence à enquêter sur cette affaire peu banale, où il n'y a ni corps, ni preuve, mais un rapport d'une cruauté réciproque et perverse au sein de ce bizarre binôme masculin. "Espinosa pensa à un certain type de personnes qui se mettent à voler autour de la vie des gens comme des mouches vertes, sans se décider à rester ni à partir, faisant quelques vols latéraux avant de revenir toujours au même point". Pour autant, il paraît mais bien délicat de déterminer, dans cette affaire, qui manipule qui : "Il te reste à découvrir si cette histoire est celle du médecin et du monstre, ou celle du patient et du monstre."

Garcia-Roza prend un malin plaisir à perdre son lecteur dans les méandres des paranoïas de chacun,  installant un sentiment dans le fond assez dérangeant et inconfortable. "Quand un fou dit qu'il est persécuté, son persécuteur peut être imaginaire, mais le sentiment de persécution est réel." Entre les transferts et le renversement de la relation soignant-soigné, le roman trouble de façon certaine. Et l'on est bien heureux, dans ce contexte, de retrouver notre Espinosa et son éternel détachement, l'émouvante ambiance de son quartier et de son commissariat, son humanisme, et sa manie consistant à tenter, inlassablement, de ranger ses livres (ça me rappelle quelqu'un, tiens); avec la lumière subtile qu'il jette, au travers de ses enquêtes, sur les dysfonctionnements du Brésil contemporain.

Pour autant, et malgré mon idôlatrie de Garcia-Roza, à mon sens ce n'est pas le meilleur. On retrouve le même sentiment d'étrangeté que dans Objets trouvés ou Bon anniversaire, Gabriel !, avec le sentiment de décalage associé aux pathologies mentales et le même genre de jeu autour du sentiment de persécution. Mais pour moi Le silence de la pluie ou même Fenêtre à Copacabana restent inégalés.

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