"Le pays était calme et silencieux. La guerre était partout sauf ici [...] Ce haut pays fermé où rien ne se passait, c'était, il le savait, l'ultime réserve de la résistance".
Dans la lignée des romans sur la Résistance écrits par ses témoins et ses acteurs (voir l'excellent Drôle de jeu), Les montagnards de la nuit se distingue, parce qu'il décrit la résistance en montagne et la difficile organisation des maquis. Frison-Roche en effet, quoique né et grandi à Paris, est d'origine savoyarde et on connaît son goût pour les voyages, sa passion de l'alpinisme et son attachement au Beaufortain.
Je connaissais l'écrivain, l'explorateur, mais j'ai en revanche découvert récemment le résistant, qui, après diverses péripéties en Afrique du Sud et en Italie, entre dans la clandestinité en 1943 en tant qu'agent de liaison en Savoie. Je me jette sur le roman tiré de cette expérience, craignant toutefois (il écrit dans les années 1960) un résistentialisme grandiloquent comparable à celui de Kessel, qui m'avait un peu rebutée dans L'Armée des ombres. Or, c'est plutôt une bonne surprise.
On est en 1943, et la guerre n'a pas encore tout à fait basculé au profit des Alliés. Avec un style enlevé et évocateur, Frison-Roche décrit la vie d'un maquis au départ composé surtout de vétérans de l'armée d'active. Plusieurs épisodes détaillent la rudesse du quotidien et la lourdeur de la logistique, le travail éreintant de l'unification des mouvements par le chef Rivier, la fatigue des liaisons et des trajets avec des dizaines de kilomètres parcourus du nuit, à pied ou à ski.
Car si la montagne est favorable à la clandestinité, elle n'en demeure pas moins sauvage et hostile, multipliant les risques et les dangers : la marche, la solitude, la peur, le froid, la nuit. Mais Les montagnards de la nuit décrit aussi les tensions et les rivalités entre l'armée secrète gaulliste et les FTP communistes, la fébrilité de l'ennemi et ses violences croissantes avec la liquidation des Glières et du Vercors, le montage complexe de l'assaut final, le tout avec subtilité et nuances (voir toute la gamme des attitudes des montagnards face à l'occupant, de l'indifférence à l'hostilité ouverte, en passant par l’accommodement ou l'aide plus ou moins discrète au maquis).
Bel hommage au courage de ces hommes et femmes de la résistance armée, sublime roman sur la montagne.
"Il n'y eut d'abord dans l'espace infini qu'une ligne pourpre traçant sur l'horizon de l'est la limite entre les ombres et le ciel, la terre et les étoiles, puis celles-ci s'éteignirent et le relief des montagnes émergea lentement de la nuit, les masses et les creux se précisèrent, quelques sapins nanifiés et tordus découpèrent leur silhouette sur les crêtes de l'Alpette, le soleil les fit flamber un court moment puis ils se confondirent à nouveau avec le manteau uniforme et vert sombre de la forêt".
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