Ceux de July, Nadine Gordimer



"Elle et sa famille était nourris par ceux de la famille de July, secourus par eux, protégés par eux."

Maureen et Bam, couple de Blancs bourgeois aux idées plutôt ouvertes, ont fui Johannesburg à feu et à sang, épouvantés, avec leurs enfants et leur domestique noir, Bam, qui les conduit à se réfugier dans son village dans le veld. Pour tous les autres villageois, la famille blanche devient "Ceux de July", autrement dit (sous-entendu) : les maîtres de July, même si le couple n'a jamais pensé sa place en ces termes.

Au sein de l'univers monotone du quotidien de la communauté villageoise se révèlent au sein de relations retournées, des tensions sous-jacentes. Alors que les enfants s'adpatent mervielleusement à leur nouvel environnement, pour Maureen et Bam il revêt des couleurs ambiguës, entre protection et danger, à la fois rassurant et inquiétant, dans l'ombre de July, leur ancien serviteur, pourvoyeur bienveillant dont le rôle central les placent dans une dépendance bien inconfortable, dont ils prennent progressivement conscience.

La conservation des clefs de la voiture qui a amené les Blancs devient ainsi un enjeu de pouvoir entre July et ses patrons, entre les Noirs et les Blancs : "Le bakkie lui appartenait, il n'en doutait pas. Il y avait dans son regard, dans son attitude, l'orgueil et la tranquille assurance de celui qui possède ; il ne savait plus que s'il possédait, d'autres avaient été dépouillés."

Avec Ceux de July, Nadine Gordimer tient un discours fin et puissant sur la fin de la suprématie des Blancs en Afrique du Sud, et donne à voir, dans la tragédie de l'intime, le naufrage d'un couple et d'un monde. A petites touches subtiles, où l'essentiel du propos réside dans des détails apparemment insignifiants, elle délivre le portrait d'une société sclérosée et anachronique, fondée sur des jeux de domination pervers.

Un roman clairement politique (on connaît l'engagement anti-apartheid de Gordimer), où, au sens strict, il ne se passe rien, mais d'une puissance assez sidérante et fascinante dans le propos.

"N'était-ce pas là des fantaisies inventées par ceux qui, dans leur situation sans issue, voulaient encore se bercer d'illusions ?"

Commentaires