Plusieurs longs trajets en voiture m'ont récemment donné l'occasion de reprendre une chouette pratique, celle de la lecture à voix haute. L'exercice est exigeant. Tout d'abord il faut que notre petite soit absente, elle qui ne paraît pas apprécier autant que nous et le manifeste bruyamment en interrompant fréquemment la lecture. Ensuite, tous les sujets ne conviennent pas - le genre réflexion méta-métaphysique dans le froid et le brouillard du col de la Croix-Haute un soir de novembre : non merci ! Donc, quelque chose qui bouge un peu. Enfin, le format compte : pas question bien sûr de ses lancer dans les fresques de Julien Green style Les étoiles du Sud, mais le "petit-200-pages" est en revanche bien adapté (par exemple Colette, Sandor Marai, les micro-romans de Balzac ou Cesar Aira) font parfaitement l'affaire. Et puis il faut du souffle et de la voix, pour tenir la distance.
Julie Otsuka me tentait depuis que j'avais entendue Kathleen Evin dire le plus grand bien de son dernier roman, Certaines n'avaient jamais vu la mer - j'ai donc aussitôt sauté sur cette parution en poche de son premier roman, qui s'attache à la déportation et l'internement des Japonais aux États-Unis pendant la Seconde guerre mondiale.
Les enjeux se dessinent peu à peu. Une femme se rend au magasin du quartier pour acheter des fournitures. Elle rentre chez elle. On comprend progressivement qu'elle se prépare à un départ. Vers où ? Ni elle ni ses enfants ne le savent encore. Son mari a déjà été emmené. Comme les autres ("Il n'y avait plus un seul sac de marin dans toute la ville"), elle obéit à l'affichette placardée dans les rues de Berkeley, l'ordre d'évacuation n°19, qui lui enjoint de partir.
Commence alors l'interminable périple. Sans une plainte et dans le silence de la résignation, condamnée à un incompréhensible exil intérieur, la famille éclatée survit tant bien que mal dans le camp au milieu du désert, tandis que la vie s'étiole et que défilent les saisons de manière monotone. "On leur avait attribué une chambre dans l'un des secteurs proches de l'enceinte du camp. Le garçon, la fille, leur mère. La pièce abritait trois lits pliants en fer, un poêle ventru et, suspendue au plafond, une unique ampoule nue."
"On vous a amené ici pour votre propre protection, leur avait-on assuré.
C'était dans l'intérêt de la sûreté nationale.
C'était une question de nécessité militaire.
C'était pour eux l'occasion de prouver leur loyalisme."
Julie Otsuka réussit le tour de force d'une écriture comme détachée, qui ne verse ni dans la colère ni dans l'empathie ou l'apitoiement. Superbe épure sur l'incompréhension, avec une maîtrise incroyable du temps du récit, entre étirement et ellipse. Très bon roman, à valeur universelle.
Julie Otsuka me tentait depuis que j'avais entendue Kathleen Evin dire le plus grand bien de son dernier roman, Certaines n'avaient jamais vu la mer - j'ai donc aussitôt sauté sur cette parution en poche de son premier roman, qui s'attache à la déportation et l'internement des Japonais aux États-Unis pendant la Seconde guerre mondiale.
Les enjeux se dessinent peu à peu. Une femme se rend au magasin du quartier pour acheter des fournitures. Elle rentre chez elle. On comprend progressivement qu'elle se prépare à un départ. Vers où ? Ni elle ni ses enfants ne le savent encore. Son mari a déjà été emmené. Comme les autres ("Il n'y avait plus un seul sac de marin dans toute la ville"), elle obéit à l'affichette placardée dans les rues de Berkeley, l'ordre d'évacuation n°19, qui lui enjoint de partir.
Commence alors l'interminable périple. Sans une plainte et dans le silence de la résignation, condamnée à un incompréhensible exil intérieur, la famille éclatée survit tant bien que mal dans le camp au milieu du désert, tandis que la vie s'étiole et que défilent les saisons de manière monotone. "On leur avait attribué une chambre dans l'un des secteurs proches de l'enceinte du camp. Le garçon, la fille, leur mère. La pièce abritait trois lits pliants en fer, un poêle ventru et, suspendue au plafond, une unique ampoule nue."
"On vous a amené ici pour votre propre protection, leur avait-on assuré.
C'était dans l'intérêt de la sûreté nationale.
C'était une question de nécessité militaire.
C'était pour eux l'occasion de prouver leur loyalisme."
Julie Otsuka réussit le tour de force d'une écriture comme détachée, qui ne verse ni dans la colère ni dans l'empathie ou l'apitoiement. Superbe épure sur l'incompréhension, avec une maîtrise incroyable du temps du récit, entre étirement et ellipse. Très bon roman, à valeur universelle.
un roman superbe et si tu ne l'as pas lu, son premier roman est aussi une réussite
RépondreSupprimerCa y est du coup j'ai envie de lire celui-ci aussi ........
RépondreSupprimerJe ne sais pas comment tu fais pour lire en voiture......
Déborah
Je te ferai un pack avec les deux ! En fait, paradoxalement, en voiture, je suis moins malade quand je lis que quand je ne lis pas ...
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