Séduite par le titre (ah, les titres ...), j'embarque cet étonnant Front russe qui bien sûr me détourne quelque temps, de manière profitable, de mes copies et de mes objectifs de lecture déraisonnables.
Le narrateur a rêvé toute son enfance sur les pages de son atlas et les motifs de la tapisserie marron des murs de sa chambre ; les pages de vieux numéros de Géo, mille fois tournées, constituent l'horizon de ses ambitions d'explorateurs, qui le conduisent à passer - et obtenir - le concours des Affaires étrangères.
"Affectation : bureau des pays en voie de création / section Europe de l'Est et Sibérie. Localisation : immeuble Austerlitz, 6e étage, bureau 623 - 8, avenue de France - Paris XIIIe". - Entre nous, on appelle cette section "le front russe", ajouta-t-il d'un air comblé. Ce sont les seuls bureaux délocalisés dans le XIIIe arrondissement. Personne ne veut y aller. Je ne comprends pas pourquoi d'ailleurs, le XIIIe c'est plus à l'est que le VIIe, ça rapproche de la Sibérie, c'est plus pratique."
Las, notre jeune fonctionnaire idéaliste va de désillusion en désillusion, en passant par des aventures toutes plus kafkaïennes ou rocambolesques les unes que les autres.
"Ce trait d'humour détendit un peu l'atmosphère, et tout le monde rit avec modération à la blague de notre chef. Rire avec modération à la blague du chef est un précepte à garder à l'esprit si l'on veut survivre en milieu administratif. Mais ce rire doit cependant être modéré si l'on ne veut pas passer pour un lèche-bottes auprès de ses collègues. C'est un dosage difficile, un équilibre malaisé lorsqu'on débute, mais bien vite on acquiert ces automatismes".
Entre chef du personnel haineux, supérieur azimuté, et échanges délirants avec le responsable de la société de nettoyage, la vie de bureau n'a désormais plus de secrets pour lui, et les lointains voyages s'éloignent de plus en plus, le roman tournant à la fable douce-amère.
"Le pot est au monde du travail ce que la boum était à notre adolescence : une occasion récurrente, régulière, rassurante, d'oublier la tristesse et la monotonie de l'année qui s'écoule avec lenteur jusqu'aux prochaines grandes vacances en y introduisant des moments de communion, d'entrain forcé autour de boissons et de nourritures incertaines."
Avec son ton caustique, drôle, mais tendre et ironique, et finalement décapant voire désabusé et pathétique ... c'est un chouette petit roman fluide et plaisant, un bon petit moment de lecture.
Continuez à manger les livres ! Merci pour ce billet sur Le Front russe.
RépondreSupprimerAmicalement,
JcL
Le petit régal du Front Russe en valait la peine :)
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