Du domaine des murmures, Carole Martinez


"On gagne le château des Murmures par le nord."

Ça commence comme ça. Et ça continue avec trois pages de toute beauté.

"Un menu souffle se lève sur le blanc de la page, se faufile entre les pierres, nous remue l'âme, et c'est dans son haleine que s'esquisse l'ombre vivante d'un château semblable à ceux que l'on bâtissait enfant. Et ce sanctuaire spectral dévore le monument majestueux, qui se tenait historique et solide sous nos yeux, il y a quelques secondes à peine".

Esclarmonde est la princesse du château des Murmures. Comme toutes les filles de 1187, elle n'a guère voix au chapitre quand son père scelle son union avec le fils d'un seigneur voisin. Mais pour elle, il n'est pas question d'accepter l'enfermement conjugal.

Et la seule façon d'y échapper, c'est de recourir à un autre enfermement, celui des recluses qui font vœu de s'isoler du monde. Le jour prévu pour le mariage, elle exige d'être emmurée dans une chapelle spécialement construite pour l'occasion.

Avec des phrases amples et un style entêtant et poétique, Carole Martinez transporte son lecteur dans les pensées, les angoisses et les joies d'Esclarmonde, entre merveilleux, souffrance et violence. Qui aurait cru qu'une histoire de recluse au XIIe siècle pouvait être si prenante ?

"Le monde en mon temps était poreux, pénétrable au merveilleux. Vous avez coupé les voies, réduit les fables à rien, niant ce qui vous échappait, oubliant la force des vieux récits. Vous avez étouffé la magie, le spirituel et la contemplation dans le vacarme de vos villes, et rares sont ceux qui, prenant le temps de tendre l'oreille, peuvent encore entendre le murmure des temps anciens ou le bruit du vent dans les branches. Mais n'imaginez pas que ce massacre des contes a chassé la peur ! Non, vous tremblez toujours sans même savoir pourquoi".

Une lecture qui contribue à mes bonnes résolutions 2012 ! Et qui se fait dans le cadre de mon "Objectif Lune".

Commentaires