Brut, Dalibor Frioux


Et si ... ?

Et si, dans un futur plus ou moins proche (les années 20.., nous dit-on), le pétrole était devenu, de part sa rareté, une marchandise de grand luxe, réservée aux élites mondiales ? Et si on ne circulait plus en voiture ni en avion ? Et si la forme des villes en était influencée en profondeur ? Bref : et si nous vivions dans une société en transition énergétique ? Et si, dans ce contexte, la Norvège était devenue la principale pétromonarchie du globe, à la tête d'un gigantesque fonds d'investissement ?

"Sauf que le pétrole, chère amie, est une eau maudite qui nous dessèche au lieu de nous désaltérer".

C'est sur la base de cette hypothèse, pas si folle que cela, d'un baril de pétrole à 330 dollars suite aux évènements du "Black February", que Dalibor Frioux construit la trame de Brut. Sigrid, brillante jeune norvégienne, est sélectionnée, avec neuf autres jeunes gens, pour alimenter les rangs des investisseurs en charge de la gestion du fonds souverain norvégien. Son parrain est candidat à l'académie Nobel. Sa mère vit une existence de grande bourgeoise délurée après une carrière dans le mannequinat. Son prétendant est président du conseil d'éthique. Il est question de classer la gestion du fonds pétrolier au patrimoine mondial de l'Unesco.

"On ne parlait plus de personnes démesurément riches, mais d'un pays entier ; non plus de richesses disponibles à l'échelle d'une vie humaine, mais sur des générations. On ne parlait plus de richesses obtenues par le travail, le mérite, mais de celles qui faisaient irruption aux yeux de tous, sans rapport avec l'effort nécessaire pour les récolter".

A priori, tout va bien dans le monde vertueux du modèle norvégien ("cleanest guys dans un dirty business"). Mais l'image du paradis norvégien, où les retraites sont provisionnées et où la vertu est érigée en principe de base se fissure : développement de la xénophobie, violence sociale et montée en puissance du parti populiste se révèlent progressivement en arrière-plan.

Partant d'un postulat intéressant, Brut ne convainc pourtant pas totalement. Le style est bon, et il y même quelques passages drôlement bien fichus. Mais la narration, très hachée, et surtout très discontinue, perd en cohérence ce qu'elle gagne en ... pas grand chose ; l'éclatement nuit à un récit potentiellement porteur.

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