Opium Poppy, Hubert Haddad


Au Camir, les gosses perdus viennent de partout. Caucase, Rwanda, Afghanistan, Balkans ... leur origine dit tout des atrocités contemporaines. Ces "mineurs isolés en situation irrégulière", selon la nomenclature officielle, forment un groupe bien particulier au sein des réfugiés de tous bords, avec leur fragilité pas tout à fait indemne, leur innocence mais aussi leur étonnante maturité et leur lucidité.

Ces enfants ont tous connu la guerre, la violence, et la peur. "La guerre se rappelait à chacun dans un clignement d'oeil vers le ciel. Mais on s'abandonnait sans tarder aux lois secrètes de la cohue, tête basse, dans la grande clameur des destins mêlés".

Diwani la Rwandaise, est une survivante du génocide ; Yuko règne en petit caïd sur la troupe des enfants. Un garçon sans nom, qui se fait appeler de celui de son frère, Alam, se détache ; il est seul, communique peu, ne joue pas, et souffre d'une forme particulièrement aiguë du syndrome post-traumatique après l'attaque de son village afghan à la mitraillette.

"Il a l'air de compter ses pas, comme pour situer un trésor enfoui. Tout le monde au Centre s'inquiète de lui, de ses yeux fixes, du silence qui l'entoure. A onze ou douze ans, il ne s'amuse de rien, ses lèvres remuent des cailloux de syllabes, ses deux mains semblent crispées sur une pierre très lourde qui lui brise les côtes".

L'opium donne le dénominateur commun de cette histoire, depuis les champs de pavot afghans jusqu'à la guerre des gangs dans la banlieue est de Paris, en passant par les routes clandestines de la drogue.

Ce qui est commun à toutes ces trajectoires, c'est l'horreur insigne de la guerre et la prison de l'exil. "Sans argent ni papier, on parvient à peu près à survivre. Mais la pluie glacée et les regards tombent sur vous de manière inexorable". Entre squats et centres d'accueil, le destin d'Alam prend dès lors une portée universelle, dans ce roman très documenté et pourtant poétique, presque une parabole, pleine de grâce. Hubert Haddad nous propose ici le portrait sensible et émouvant d'une génération d'exilés.

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