D'acier, Silvia Avallone


Débusqué et il y a déjà un moment dans "l'humeur vagabonde" de Kathleen Evin, et déniché (enfin), après plusieurs tentatives infructueuses, à la bibliothèque, où je n'avais pas compris que le bouquin en question était classé dans le fonds "adolescents".

Et pour cause, puisqu'il est question d'adolescence. Anna et Francesca, "treize-ans-presque-quatorze", illuminent de leur beauté les plages de la côte toscane de Piombino. Ephémères beautés adolescentes, elles règnent sur leur petit univers.

Une facilité apparente qui dissimule la difficulté de vivre. La cour bétonnée, délimitée par les quatre "tours" de la via Stalingrado où vivent les déshérités de la ville. Les bars glauques et les bouges sordides. Deux silhouettes dominent ce tableau d'une banlieue populaire : celle de l'Afo4, le dernier haut-fourneau encore en fonction de l'usine sidérurgique, et, en contrepoint, celle de l'Ilva, l'île d'Elbe, comme un rêve inaccessible, "un paradis impossible", un songe.

Entre Anna et Francesca, c'est à la vie à la mort, une amitié comme il en existe depuis l'enfance. Mais les corps changent et les émotions aussi, c'est un été torride, et la soirée de Ferragosto constitue le pivot à partir duquel le roman bascule, pour le meilleur ou pour le pire.

"La brune et la blonde. Ensemble, toujours et exclusivement [...] Elles te la faisaient sentir leur beauté, elles en usaient avec violence"

La sensualité est là, à fleur de peau. La première scène, où un père observe à la jumelle le corps pubère de sa fille à la plage, est quasi-subversive. Elle donne le ton d'un roman original, carrément prometteur, d'une auteure italienne talentueuse.

Une construction originale pour un récit filé et intelligemment mené, rythmé et même cadencé. L'écriture, vive, énergique, incisive et précise, participe nettement à cette impression. Des portraits brossés avec une apparente simplicité, mais d'une exactitude folle ; les filles écervelées sont plus graves qu'il n'y paraît ; les pères sont absents ou minables ; les mères balancent entre courage et lâcheté ; les jeunes femmes et les jeunes hommes payent bien cher leur spontanéité et leur sincérité.

évoque le meilleur Laura Kasischke (La couronne verte pour moi) ou encore le Sexy de Joyce Carol Oates, avec sa tension explosive, le D'Acier de Silvia Avallone évoque encore l'excellent Démantèlement d'Ermanno Rea sur l'usine sidérurgique de Bagnoli à Naples. Une synthèse réussie entre poésie, critique sociale et roman de moeurs.

Un premier roman comme un uppercut. A suivre !

Et d'ailleurs, ce premier coup de poing est déjà suivi du Lynx, un chouette petit roman du même bois.

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