L'été de cristal, Philip Kerr

Encore un détective privé désabusé, mais dans un cadre original, celui du IIIe Reich triomphant, avec la montée du parti nazi, son apogée et sa chute, abordés successivement dans les différents volets de l'ensemble, parus à la fin des années 1980, récemment réédités en poche.

Le premier épisode de cette Trilogie berlinoise se déroule en 1936, pendant les Jeux Olympiques de Berlin. Bernie Gunther (on dirait un privé américain) est un ancien de la police berlinoise : il a quitté ses rangs lors de la purge des éléments jugés "peu sûrs" par le nouveau régime. Reconverti et installé à son compte, il enquête surtout sur des affaires sordides de divorce, mais aussi, de plus en plus, sur les disparitions soudaines d'opposants ou de Juifs, qu'il retrouve trop souvent noyés dans des canaux ou déjà déportés dans les camps de travail.

Jusqu'au jour où lui propose une curieuse affaire. Le poids lourd de la sidérurgie allemande lui confie une enquête concernant la mort de sa fille et de son gendre dans un incendie criminel, à l'occasion duquel un bijou de très grand prix a disparu. Bien vite, l'intrigue révèle des ramifications insoupçonnés, et l'on ne tardera pas à croiser Goering ou Goebbels dans des circonstances étonnantes.

Et aussi un véritable "goût de Berlin", une ville que j'adore : "Berlin j’adorais cette ville autrefois, avant qu’elle ne tombe amoureuse de son propre reflet et se mette à porter les corsets rigides qui l’étouffaient peu à peu. J’aimais la philosophie bon enfant, le mauvais jazz, les cabarets vulgaires et tous les excès culturels de la République de Weimar qui avait fait de Berlin l’une des villes les plus fascinantes de l’époque" (page 73).

C'est dans ce Berlin des années 1930 que se joue la montée anxiogène du parti nazi, avec ses nombreuses "Violettes de mars" (les opportunistes rejoignant le parti après sa victoire, et prêts à tout pour obtenir un "petit" numéro d'adhérent sur leur carte, preuve d'une fidélité indéfectible), les rivalités entre les SA et les SS, le cadre social de plus en plus contraint et étouffant (avec obligation d'écouter les discours radiodiffusés et le développement des camps), où les esprits libres trouvent bien difficilement leur place.

Un bon bouquin, dans lequel on se plonge avec plaisir, d'autant que la trame de l'intrigue policière est bonne, voire même réussie. Pas de doute, un roman qui doit se retrouver dans les valises de Madle et Vincent pour les prochaines vacances !

Commentaires