Laitier de nuit, Andreï Kourkov


Envie d'un roman où les chats acquièrent des capacités hors-normes grâce à un mystérieux breuvage volé à la douane, où des bébés apparaissent et disparaissent, où des prêtres orthodoxes bénissent des laboratoires à fromage, où les cadavres sont embaumés selon des procédés révolutionnaires, où les sectes prospèrent, et où le lait maternel trouve des usages bien curieux ? Alors, le dernier opus en poche de Kourkov est pour vous !

L'écrivain poursuit son exploration sans pitié de l'Ukraine des années 1990 et 2000, ici prise dans les suites de la révolution orange. Une galerie délirante de personnages, attachants et décrits avec tendresse, évolue dans le petit théâtre de Kourkov, où leurs destins se croisent et s'entrecroisent, se recoupent ou ne se recoupent pas. Le rythme est comme toujours enlevé, et les fragments narratifs, conçus comme de petits épisodes où les rappels sont fréquents, s'enchaînent à toute allure.

Roman savoureux, certes, mais complexe et profond aussi, qui dessine, à petites touches presque impressionnistes le portrait de cette Ukraine où l'espoir d'une société nouvelle et démocratique côtoie la corruption, la collusion des milieux politiques, financiers et mafieux, la multiplication des trafics en tous genres, sur le ton de la fable tragi-comique, au travers de péripéties plus loufoques les unes que les autres - j'avoue une petite préférence pour la vie et l'oeuvre de l'inénarrable député, ambitieux et de toutes les combines, qui resurgit à tout instant dans le récit. Les personnages, comme l'Ukraine finalement, sont extraordinairement "résilients", et capables de revenir de tout, même des aventures les plus improbables.

Peut-être un peu moins déjanté qu'un Pingouin ou un Caméléon, un ton peut-être un peu plus noir ou plus amer (ou acide, c'est selon), sans doute moins brillant, dans sa construction, que l'extraordinaire Dernier amour du président ... mais cela n'empêche pas Kourkov de rester une valeur sûre ... et un conteur hors-pair.

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