Le remplaçant, Agnès Desarthe

"La métaphore a si mauvaise réputation dans l'Occident moderne qui continuent à l'utiliser sont les journalistes sportifs. Pour le reste, on n'y a plus droit, c'est ringard, ça fait vieux, comme cette manie de vouloir raconter des histoires. A quoi bon, quand on a si bien développé les techniques d'analyse et d'enregistrement du réel ?" (p. 18-19).

Non, non, le Mange-Livres n'est pas malade, tout juste un peu engourdi par l'hiver, mais il lève encore une paupière de temps à autre, la preuve avec ce nouveau billet. Il faut dire que le rythme de lecture approche en ce moment l'hibernation, pour preuve le temps que j'ai mis à finir ce joli petit livre de moins de 80 pages ! Rassurez-vous, cela ne tient pas à la qualité du livre, mais plutôt aux obligations professionnelles, diverses et variées, mais toujours chronophages, qui ont eu raison de mon endurance de lectrice du soir.

Avec Le remplaçant, Agnès Desarthe replonge pour nous dans l'imaginaire familial, pour dresser le portrait de Bouz, Boris, Baruch, alias "Triple B", son grand-père de substitution, le grand père biologique ayant disparu à Auschwitz pendant la guerre. Ce Triple B vit depuis la fin de la guerre avec la grand-mère d'Agnès Desarthe une belle relation d'amitié, chacun d'entre eux ayant perdu son conjoint aimé dans la Shoah. Personnage délicieux, haut en couleurs mais discret, ce remplaçant occupe dans la famille et pour la petite fille, puis la jeune femme, une place plus essentielle qu'il y paraît de prime abord. Attachant, touchant, il constitue une figure marquante de la mémoire et de la construction personnelle d'Agnès Desarthe. Vu par les yeux d'une enfant (le passé est reconstitué sous l'angle des souvenirs sensoriels ... les fameux biscuits de la grand-mère) qui devient petit à petit adulte, ce portrait sincère, dressé par touches successives, et presque impressionnistes, prend tout son sens. Beau texte, et vrai talent de conteuse (apparemment familial !).

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