La porte des enfers, Laurent Gaudé


Une fois encore, l'auteur du Soleil des Scorta nous entraîne en Italie, mais cette fois-ci à Naples. Encore un roman pour moi lu presque in situ puisque je l'ai attaqué dans l'interminable Rome - Ventimiglia (9 heures tout de même ...) de la semaine dernière.

Le récit est partagé entre deux époques - l'automne 1980 et l'été 2002 - qui se répondent sans cesse dans l'alternance de chapitres brefs et prenants.

A l'automne 1980, Matteo accompagne son petit garçon, Pippo, à l'école. Ils sont en retard, et Matteo se fâche contre l'enfant. Soudain, au détour d'une rue, les voilà pris dans la fusillade d'un règlement de comptes. Pippo est tué par une balle perdue, et la vie de Matteo et Giuliana, ses parents, bascule irrémédiablement.

A l'été 2002, Pippo revient chercher vengeance, une vengeance qui prend peu à peu la forme d'une quête identitaire complexe, au travers d'une tâche mystérieuse à accomplir.

Un lien étrange et mystérieux se tisse progressivement entre ces deux périodes que rien, ou presque, ne semble a priori rapprocher.

Et de fait, il s'agit là d'un livre très étrange. On retrouve le côté un peu "fable" ou "parabole" des précédents écrits de Gaudé, sensible tant dans Le soleil des Scorta que dans La mort du roi Tsongor, qui donne à ses personnages un aspect assez simpliste, peu complexe (le fils vengeur, la mère enragée ou le père éploré formant autant de figures du livre), donnant le sentiment qu'ils ont peu d'épaisseur, mais qui est vraisemblablement voulu par l'auteur.

Le roman a l'avantage d'être très rythmé, et il faut reconnaître qu'on le lit à toute allure., happé dans l'enchaînement des différentes étapes du récit en deux temps. Une certaine poésie est au rendez-vous, et les personnages sont tout de même attachants, davantage ceux de 1980 d'ailleurs, avec cette clique d'écorchés de la vie que forment don Mazerotti, vieux curé rebelle, Grace, un transsexuel philosophe, Garibaldo, le patron de café et le bizarre professeur Provolone.

La réflexion sur le deuil, relevant davantage de la mythologie et de l'expérience que de la théologie, est même assez profonde et touchante. Roman infernal et tragique s'il en est, épuré mais puissant, où Gaudé retrouve l'écriture brillante des débuts, qui joue magnifiquement avec le mythe de la descente aux Enfers.

Commentaires