Le fil de l'horizon, Antonio Tabucchi

Où l’on ne sait plus vraiment qui l’on est ;
Où l’on va de rendez-vous glauques en entrevues étranges ;
Où une mouette poursuit Spino et voudrait bien téléphoner.


L’incipit

« Pour ouvrir les tiroirs, il faut faire tourner la poignée en appuyant. Alors le ressort se déclenche, le mécanisme joue avec un léger déclic, les roulements à bille se mettent en mouvement, les tiroirs s’inclinent légèrement et glissent sur de petits rails. On voit d’abord apparaître les pieds, le ventre, puis le tronc et la tête du cadavre. »

Comment en suis-je arrivée là ?

J’avais déjà lu Piazza d’Italia (son premier roman, consacré aux anarchistes toscans), qui m’avait interpellée. Je tente donc de poursuivre mon exploration de Tabucchi, avec ce roman … il faudrait aussi que j’essaye Pereira prétend, son œuvre la plus connue.

De quoi s’agit-il ?

Dans une ville mal définie, Spino, fonctionnaire de la morgue, enregistre, comme il le fait au quotidien, l’arrivée d’un défunt, à l’identité mystérieuse : Carlo Nobody. Les jours passent, et personne ne vient réclamer le corps. Qui était ce jeune homme ? Spino commence une quête dont il ne sait pas exactement où elle finira.

La citation

« Il y a des jours où la beauté secrète de la ville semble se dévoiler : par exemple durant les journées claires, de grand vent, lorsque la brise précédant le libeccio balaie les rues, claquant comme un drapeau. Alors les maisons et les clochers acquièrent une pureté trop réelle, des contours trop nets, comme une photographie contrastée, la lumière et l’ombre s’affrontent avec arrogance, sans se mêler, dessinant des échiquiers noir et blanc faits de taches d’ombre et d’éclats éblouissants, de ruelles et de petites places » (p. 76)

Ce que j’en ai pensé

Nous avons ici affaire à un magistral (faux) roman policier. Il ne se passe pas grand-chose, et pourtant on est irrémédiablement captivé, presque piégé dans ce court mais puissant roman.
Derrière le prétexte de l’investigation, un vieux négatif, l’étiquette d’un antique tailleur … tous ces menus objets sont propres à éveiller cette nostalgie et cette tendresse pour la vie derrière le corps. L’écriture est splendide, chaque mot, chaque inflexion du temps, paraissent fondamentalement juste.
On pense un peu à Biamonti, avec cette mélancolie profonde, un questionnement métaphysique sur l’identité et l’être, et ce personnage qui se cherche au travers d’un autre, sans d’ailleurs vraiment se trouver. Tabucchi écrit lui-même que les paumés et les vaincus sont les uniques sujets de ces livres.

Paru en italien en 1986 (Il filo dell’orizzonte) – en poche chez Folio, 5.80 euros – 111 pages

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