Un traître idéal, John le Carré - Espions malgré eux

" - Jusqu'à présent, j'assure plutôt bien"

Perry, professeur de littérature à l'université et sportif accompli, et sa compagne avocate Gail, se payent, à la suite d'un héritage, de luxueuses vacances à Antigua. Ils sont repérés par Dima, un oligarque russe possédant la moitié de l'île et de ses hôtels, qui impose à Perry une partie de tennis, puis une invitation dans sa somptueuse villa. A cette occasion, Gail découvre une bien étrange famille, composée de Tatiana, une bigote à demi-folle, de deux jumeaux, de deux fillettes fraîchement orphelines, et de la distante mais somptueuse Natasha. Et Perry est convoqué par Dima, lequel, dans un délire paranoïaque, lui confie être en danger de mort, et désire négocier avec les services secrets britanniques, par l'intermédiaire du jeune couple, son transfuge vers la Grande-Bretagne. Tour à tour apitoyés, suspicieux et fascinés, Perry et Gail ne soupçonnent alors pas qu'ils s'engagent dans une affaire bien  plus grosse qu'eux, dont la maîtrise va leur échapper.

" Elle voudrait n'avoir jamais signé cette foutue déclaration. Elle voudrait que Perry ne l'ai pas signé non plus. Quand il a signé ce formulaire, Perry ne signait pas, il s'enrôlait".

Un scénario aussi idéal que le traître, sur le papier : des secrets, du mystère, du suspense, des menaces et une course contre la montre, une plongée infernale dans les conflits internes aux services britanniques, des novices exposés à une situation incontrôlable mais follement excitante. On est un peu dans la même veine que Le directeur de nuit. Et pourtant ...

Et pourtant un peu de moins bien dans le rythme. Certes, la construction est habile, avec son accélération progressive menant à une dernière partie vertigineuse, le propre du thriller. Mais cela se fait un peu au prix du début, plutôt mou avec l'interminable débriefing des deux tourtereaux de retour des Antilles. Un peu d'invraisemblances, aussi.

Et pourtant un peu de moins bien dans la dénonciation. On est ici bien loin du militantisme de La constance du jardinier, qui révélait les malversations des grandes entreprises pharmaceutiques en Afrique  exploitant l'épidémie de sida. Et pourtant, il y avait là bien du potentiel, avec une affaire tournant autour du blanchiment d'argent à l'échelle mondiale, mais l'analyse des collusions d'intérêt reste hélas à peine esquissée.

Alors un peu de moins bien au sein d'une œuvre très très bien, cela reste quand même bien (ah, que La Taupe et son machiavélique duel Carla / Smiley sont loin).

NB ce roman a été précédemment édité sous le titre Un traître à notre goût, ne pas s'y laisser prendre.

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