Enfants de poussière, Craig Johnson - Entre l'abîme vietnamien et les Bighorn Mountains


Après Little Bird, Le camp des morts, et l'Indien Blanc, Enfants de poussière est le quatrième volet des enquêtes de Walt Longmire, shérif mélancolique et humaniste du comté d'Absaroka, le moins peuplé des Etats-Unis.

"Je pensai au Vietnam, à l'odeur, à la chaleur, et aux morts."

Le cadavre d'une jeune vietnamienne est retrouvé aux alentours de Powder Junction, l'un des coins les plus reculés du comté, par deux frères un peu louches. En explorant la scène de crime, Walt et ses acolytes mettent la main sur un Indien mutique et violent, qui vit en reclus sous un pont routier. Mais le shérif, bien que les preuves soient accablantes, ne croit pas au coupable idéal. D'autant que cette affaire l'ébranle fortement : on a retrouvé, cachée dans la doublure du sac à main de la victime, une photographie des années 60, sur laquelle figure une femme et un jeune officier en service au Vietnam ... qui n'est autre que Walt Longmire lui-même. Le récit alterne dès lors l'enquête menée au jour le jour, et des flash backs de la guerre du Vietnam qui plongent Longmire dans un spleen indéfinissable, alors même que les choses s'arrangent (ou se compliquent, c'est selon) entre Walt et sa sculpturale adjointe, Vic, et qu'il s'investit à fond dans le rétablissement de sa fille.

On retrouve toujours avec le même plaisir le Wyoming de Craig Johnson, peuplé de ses personnages si attachants. L'intrigue policière, toujours prenante, passe néanmoins au second plan, et laisse comme toujours la place à un propos plus profonds - ici sur les stigmates prégnants de ce conflit aux Etats-Unis chez des vétérans confrontés à des niveaux inouïs de violence et littéralement hantés par une mémoire obsédante. Au-delà de la mémoire, le roman explore aussi les thématiques de la filiation (au travers des enfants de poussière, ces rejetons nés de l'union de soldats américains avec des femmes vietnamiennes) et des relations entre les hommes (relations avec les Indiens et les Noirs au sein de l'armée US, relation avec les indicateurs vietnamiens employés par les Français puis les Américains). En bref, du bon, du très bon Johnson.

Attention : si, pour certaines séries policières, l'ordre importe peu, il faut impérativement respecter la chronologie des Craig Johnson pour éviter des spoilers monstrueux (conseil de quelqu'un qui a commencé par le n°2).

Voir aussi, sur des thèmes proches, l'intéressant Retour de Jim Lamar (Lionel Salaün), ou, à propos d'une guerre plus proche, le conflit irakien, l'excellent Yellow Birds (Kevin Powers).

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