Un Anglais sous les tropiques, William Boyd - facéties british dans l'Afrique post-coloniale


Satire sans pitié de l'Afrique post-coloniale et de l'attitude des Occidentaux - par un connaisseur, puisque Boyd est né au début des années 1950 au Ghana ; du reste, c'est un cadre qu'il affectionne, voir sa reprise plutôt réussie de la franchise James Bond, avec une première aventure, Solo, évoquant irrésistiblement ce sympathique Anglais sous les tropiques.

Morgan Leafy, fonctionnaire britannique, a échoué à Ngonksamba, et végète dans cette bourgade très secondaire du Kinjanja, ex-colonie de Sa Majesté, plongée dans la torpeur tropicale. Comme toujours, Boyd excelle à brosser le portrait d'un raté, ou plutôt d'un défait : Morgan est sans ambition, sans talent, a un peu trop de bedaine, sue la misanthropie et le racisme par tous les pores, et content de lui avec ça, mais le tout avec une inimitable touche so british s'il vous plaît !

"En y resongeant, il confessait à regret qu'il avait été grossier, boudeur, brutal, égoïste, déplaisant, hypocrite, lâche, prétentieux, fasciste, etc., etc. Une journée à peu près normale. Mais ..., se dit-il. Oui, mais. Etait-il tellement différent des autres dans ce pays de merde, dans ce vaste monde grouillant ?"

Affligeant de médiocrité, il faut bien dire que rien ne lui réussit, qu'il s'agisse de ses pathétiques tentatives de séduction auprès de la fille du commissaire, ou de la délicate mission de corruption que lui confie le politicien local, sans parler des basses oeuvres (successivement croque-mort, bouche-trou et Père Noël) que lui refile sans ciller son supérieur. Pour couronner le tout, le voilà affublé d'une blennorragie purulente, contractée auprès de la maîtresse bien volage qu'il entretient en ville.

Bien plus fin qu'un Sharpe (encore qu'on s'y marre bien), fichtrement bien tourné et délicieusement écrit (et traduit), un Boyd est un petit plaisir qui ne se boude pas. On y appréciera tout partiulièrement le comique de situation, avec son déploiement de scènes d'anthologie (la prise d'une perche du Niger pour impressionner Priscilla, les multiples déplacements du cadavre de la domestique, ses multiples confrontations avec le médecin qui a des principes, la rencontre imprévue dans la douche de la vieille duchesse... pour ne citer qu'elles), et surtout son deuxième / troisième degré plus que plaisant.

"L'idée puérile lui vint que s'il restait assez longtemps simplement assis sans bouger, s'il ne dérangeait personne, s'il n'attirait pas l'attention sur lui, tous les abominables traumatismes qui ravageaient actuellement sa vie finiraient par se lasser et s'éloigner en grondant, comme une armée en maraude en route pour aller saccager le village suivant."

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