Le tango de la Vieille Garde, Arturo Perez-Reverte - Amour tragique sur un air de tango


J'avais adoré l'Arturo Perez-Reverte de l'époque du Tableau du Maître flamand (une partie de l'intrigue du présent roman tourne d'ailleurs elle aussi autour d'une partie d'échecs), je l'ai redécouvert ici avec Le tango de la Vieille Garde, l'un de mes coups de coeur de la fin de l'année 2014 (oui, je sais, j'ai un peu de retard).

Un roman difficile à "classer", à décrire. Parce qu'il s'y passe à la fois beaucoup, et finalement peu de choses. Pourrait-on dire qu'il se résume à un pas de deux, mais un pas de deux virtuose et somplexe, poursuivi et suspendu sur plusieurs décennies, entre Buenos Aires, la Riviera et le pont obscur d'un transatlantique ?

Max est un personnage un peu trouble, à mi-chemin du danseur mondain et du gigolo, avec un petit côté gentleman cambrioleur ; Mecha est l'épouse d'un compositeur adulé, avec qui elle entretient une relation assez perverse. Tous deux, par hasard, se retrouvent, lors d'une croisière, à danser ensemble un tango, une expérience que ni l'un ni l'autre n'oublieront, excellents danseurs qu'ils sont.Et leur relation ressemble sans cesse au tango, le tango policé des salons européens, ou le tango sauvage et brulant des bas-fonds portègnes, dansé en trois épisodes (1928, 1937, 1966) de désir contenu ou consommé, par deux protagonistes à trois époques distinctes de leur vie, entre amour, trahison, espionnage, guerre et temps qui passe.

Car c'est de cela qu'il est question. D'amour, d'histoire, et de danse, mais dans une histoire où deux personnages se cherchent, se croisent, se perdent sans cesse sans jamais vraiment se trouver. C'est banal, et c'est tragique. C'est ennuyeux, et c'est passionnant. C'est lent, et c'est virevoltant. C'est subtil, et incroyablement sensuel et indécent. C'est sentimental sans être niais. C'est délicieusement mélancolique et triste. Et l'analyse psychologique est d'une rare finesse. Bref, une sacrée réussite, un vrai grand roman, littéralement dévoré en deux ou trois jours.

"Alors Max se retourna pour contempler encore une fois la femme nue, le corps superbe endormi à plat ventre entre les draps en désordre, et il sut que cette lumière bleutée et grise, cette lumière sale de la pluie automnale, était un présage de ce que, très bientôt, il la perdrait à jamais."

Pour retrouver le tango en littérature, deux références totalement différentes : Le retour du professeur de danse de Mankell, et Aller simple, du drolissime Carlos Salem - difficile du reste de faire dans des registres plus éloignés !

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