La Maîtresse de Brecht, Jacques-Pierre Amette


"Voici enfin le grand Bertold, le dramaturge allemand le plus célèbre, revenir sur le sol allemand après quinze années d'exil. "
En 1947, le retour de Brecht en Allemagne représente pour les dirigeants de la RDA naissante un enjeu idéologique et politique de taille. Certes, il est marxiste, et à ce titre il a quitté l'Allemagne dès les débuts du nazisme, mais il a passé des années outre-Atlantique (il est chassé des Etats-Unis par le maccarthysme). C'est un intellectuel brillant, mais impulsif et incontrôlable. Aussi est-il une personnalité extrêmement surveillée, par une myriade d'agents de la Stasi gravitant dans des cercles plus ou moins proches.

"Entre un simple militantisme artistique et être une nouvelle recrue de la Sécurité d'Etat, il y avait un pas. Elle le franchit." Parmi eux, Maria Eich, une jeune actrice viennoise, contrainte de coopérer avec les services de renseignements en raison de son ex-entourage nazi, et fortement incitée à devenir sa maîtresse pour exercer la surveillance la plus étroite possible sur ses agissements, ses fréquentations et ses écrits.

La relation entre Bertold et Maria est malsaine au possible : Maria est fascinée par le grand homme, qu'elle trahit pourtant, tandis que lui la manipule sans cesse. Mis l'originalité du roman tient au triangle presque amoureux entre le dramaturge, l'actrice, et son officier traitant, Hans Trow, éperdu d'amour pour elle qui le méprise. Un jeu à trois très trouble se noue, entre non-dit, rancoeurs, chantages odieux, pressions, paranoïa glaçante. Au total, Amette analyse avec succès l'incommunicabilité de ces trois solitudes, au travers de tableaux successifs, et avec un sens très sûr de la formule.

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