En un monde parfait, Laura Kasischke


On sait mon goût pour Laura Kasischke, ses "petits" romans (La Couronne verte, Rêves de garçons) ou ses romans plus ambitieux (A moi pour toujours ou le tout récent et très bon Les Revenants). En un monde parfait surprend, mais ne déçoit pas, confirmant d'évidentes qualités de conteuse.

"Intellectuellement, Jiselle savait ce qu'ils représentaient, mais, comme tant d'autres choses des débuts de cette surprenante période, ils lui apparaîtraient plus comme un prodige que comme un signe.
Jamais elle n'avait été aussi heureuse.
Pourrait-elle jamais l'être plus ?
Même après les paroles vives échangées avec sa mère, même avec le mort dans son cercueil, elle ne pouvait s'empêcher d'avoir le coeur léger."


Jiselle, hôtesse de l'air américaine, vient de faire le mariage parfait avec le séduisant et veuf commandant Dorn, au terme d'une cour acharnée menée aux quatre coins du monde avec un romantisme fou. Ignorant les recommandations d'une mère-Cassandre, pour lui, elle quitte son travail, et rejoint sa maison afin d'élever les trois enfants orphelins de mère.

"Cela fait maintenant longtemps que Joy nous a quittés. Ce serait pire si tu cherchais à ..."
Nul besoin qu'il termine sa phrase. Etre Joy. Jiselle entendait, derrière lui, la pendule de la cuisine tictaquer comme une petite bombe qui aurait été cachée là. 


Mais en arrière-plan, tout déraille dans ce monde idyllique. Les enfants sont odieux. L'ombre de la défunte plane, omniprésente. La toute petite ville est de plus en plus étouffante à mesure que s'installe la pandémie incontrôlable de la grippe de Phoenix. L'ambiance se dégrade insensiblement mais sûrement vers la dystopie, et le climat de crise agit comme un révélateur des relations humaines, et un miroir grossissant des tensions.

Le parallélisme entre les aspirations de Jiselle à la perfection et l'effondrement total de ses repères est tenu jusqu'à l'intenable, produisant une tension extrême et déroutant le lecteur. Dans ce roman atypique, Laura Kasischke réussit une montée en puissance parfaitement maîtrisée où le diable est dans les détails, une progression aussi inquiétante et insidieuse que celle de l'Aveuglement de Saramago, qui imaginait une épidémie de cécité faisant glisser la société vers une apocalypse programmée.

Du très bon Kasischke.

Commentaires

  1. Voir aussi notre blog : http://booklubarty.wordpress.com/2013/07/31/esprit-dhiver-laura-kasischke/ !!

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