L'odeur des pommes, Mark Behr


Soyons honnête, je n'étais pas franchement emballée à l'idée de me lancer dans L'Odeur des pommes, craignant le mélo sirupeux du genre l'apartheid c'est mal. Mais en fait, c'est beaucoup mieux que ça.

Les Erasmus vivent au Cap (décidément, après Deon Meyer, ça n'arrête pas), au début des années 1970, et apparaissent comme un vrai modèle de l'écoeurante société d'apartheid. Le père est le plus jeune général de l'armée sud-africaine ; la mère, ancienne chanteuse d'opéra, rayonne encore d'une beauté stupéfiante ; la jeune fille de la maison suit la trace de ses brillants parents, tout comme son petit frère, le narrateur étonné et naïf de cette histoire.

"Pendant que je suis dans mon bain chaud à examiner les croûtes sur mes genoux, je repense à tout ce qui s'est passé au cours de ces derniers jours. Tout a changé depuis que le général est arrivé chez nous. Rien n'est plus pareil".

Le père reçoit souvent des officiers étrangers, qui séjournent chez eux de façon anonyme. L'arrivée du général chilien perturbe l'équilibre familial apparemment solide, et agit comme un révélateur des tensions d'un système encore loin de chuter (on est trois ans avant les émeutes de Soweto) mais qui vit ses derniers feux. Plus subtil qu'il n'y paraît, L'odeur des pommes, qui est en même temps un roman de la nostalgie de l'enfance et du passage à l'âge adulte, déploie une richesse étonnante de thèmes, depuis l'ambiguïté des relations père-fils (si le thème vous plaît, n'hésitez pas à lire le sublime Sukkwann Island), jusqu'à la complexité des relations maître-serviteur dans un système de relations de domination (les "bons" maîtres rappellent un peu les personnages de Ceux de July), en passant par l'affirmation de soi, avec le très joli personnage de la grande sœur, par l'étude fine des relations de couple, et la dénonciation d'un régime inique (l'agression sauvage du petit garçon de la bonne), avec une écriture sensible, qui suggère sans "surligner" ce qu'on est censé comprendre.

Finalement conquise donc, par ce roman, dont il me tarde de lire le second volet, Les Rois du Paradis.

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