La forteresse de Breslau, Marek Krajewski

Déjà, en ce moment, le mange-livres est bien peu actif. Excusez du peu, mais en lieu et place de livres, il mange surtout des copies (si c'est pas malheureux). Et quand il reste quelques malheureuses minutes à accorder à la lecture, le mange-livres se délasse avec des polars (eh oui), qui ont l'avantage de représenter une prise de tête minimum et de tenir éveillée. D'où une surreprésentation du genre ces derniers temps (La tristesse du samouraï, Un arrière-goût de rouille, La princesse des glaces). Mais attention, pas question pour autant de lire n'importe quoi. D'où mon essai du polar polonais, avec cette Forteresse de Breslau, dont la quatrième de couverture m'a fait irrésistiblement penser à un excellent polar de l'année dernière, Deux dans Berlin.

"Mock choisit comme mot de passe et réponse une maxime latine : dum spiro spero. Il la nota au fusain sur un mur de la galerie pour que chaque sentinelle puisse la lire avant d'appuyer sur la détente. Ensuite, par une petite porte blindée épaisse, très basse, les deux frères Mock franchirent la ligne de front. La porte claqua derrière eux comme celle d'une prison, comme une bombe qui explose, comme un point d'orgue." 

Même ambiance apocalyptique dans le Reich presque déchu, même cadre - la Prusse orientale - que dans le très bon Flétrissure. Dans La forteresse de Breslau, la ville est assiégée, les Soviétiques sont aux portes et dans les souterrains, et en entend l'artillerie lourde à chaque page dans une atmosphère de fin du monde, au sein d'une faune assez incroyable, comme le laisse deviner la description des clients de ce cabaret clandestin.

"Parmi eux on pouvait compter des officiers en civil, venus se reposer des ordres inutiles qu'il leur fallait donner; des veuves de guerre et des non-veuves, celles qu'on appelait les fiancées de la forteresse de Breslau, qui s'étaient soustraites à l'évacuation de janvier dernier grâce à leurs charmes et continuaient à les monnayer en échange du privilège de ne pas travailler ou d'une assiette de soupe pour leur enfant malade; des propriétaires d'entreprises de pompes funèbres et des gens du clergé sans signes religieux extérieurs, qui noyaient dans l'alcool leurs doutes théologiques et n'abordaient jamais les sujets philosophiques et politiques." Le temps est au sinistre, et Krajewski, en auteur documenté, en donne un tableau particulièrement saisissant, dont ressortent des impressions de peur, de confusion et de chaos.

Nous suivons sous les bombes russes Eberhard Mock, un héros en fait réucurrent de Krajewski dans sa série policière consacrée à Breslau (Wroclaw) qu'il a décortiquée sous tous les angles et aux différentes période du nazisme (c'est bien mon genre, tiens, de commencer les séries par la fin). Ce dernier enquête sur le viol et l'assassinat particulièrement sauvage d'une jeune fille, la nièce de la comtesse von Mogmitz, personnage plus que troublant, emprisonée dans un camp de concentration. Et voilà Mock lancé sur la piste d'un problème de traduction latine de la Bible, qui pourrait bien lui donner la clef de l'énigme.

Un polar résolument singulier, plutôt bien écrit et érudit... me voilà déterminée à remonter le temps, vers les quatre premiers titres (La peste à Breslau, Les fantômes de Breslau, L mort à Breslau, Fin du monde  Breslau) de cette série découverte tout à fait par hasard (merci le rayon nouveautés de la bibliothèque).

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