Le glacis, Monique Rivet

Laure, une jeune professeure de lettres, débarque dans une petite ville de l'Oranais en pleine guerre d'Algérie. "La guerre. Bien sûr que les évènements, c'était la guerre. Je la reconnaissais au rythme qu'elle donne à la vie, à sa disparate, ses à-coups, sa façon de s'évanouir comme si elle n'avait jamais existé et de réapparaître comme si elle était notre état naturel."

Penchant entre naïveté, constat de l'injustice et générosité sans être pour autant militante, elle et aimantée par le "glacis", cette frontière tacite délimitant la ville noire et la ville blanche. "Le mur de verre qui nous séparait de leur quartier m'était d'autant plus invisible que tous les jours des individus le franchissaient pour venir travailler dans la ville européenne et qu'aucune loi ne nous interdisait de e traverser, en sens inverse, si nous avions quelque chose à faire dans le "village nègre" - mais il était suspect d'avoir à y faire quelque chose ..."

Dans la guerre sans y être ("ce pays qui n'est pas le mien"), elle porte un regard détaché et étonné sur l'Algérie des années 1960, et se trouve bien malgré elle beaucoup plus impliqué qu'elle le voudrait. D'après son expérience, Monique Rivet déroule un récit qui sonne juste, dans une prose simple mais efficace, entonnant un bel hymne à la tolérance et à l'humanisme, empreint d'une grande tristesse pour la terre et le peuple meurtris d'Algérie.

"Beaucoup d'Européens parlaient ainsi. Jusqu'au bout ... Quel est donc ce bout des choses, pensais-je, que nous attendons ? Quel cataclysme, quelles cruautés nouvelles, quelles horreurs constitueront-elles ce jusqu'au bout à quoi tant de gens se disaient disposés sans savoir eux-mêmes s'il marquerait le retour à la vie d'avant ou la fin de tout espoir ? Quelle est cette ligne de démarcation au-delà de laquelle nous allons déclarer forfait ? Célébrer une victoire ou déplorer une défaite ? Et après quelle traversée infernale où nous aurons perdu, chacun d'entre nous, un peu de notre estime de nous-mêmes, un peu de notre confiance dans les autres, à force d'avoir épié sur les visages familiers le grignotement douceâtre de la trahison ?"

Un ouvrage de la sélection du prix France Océans.

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