Tangente vers l'est, Maylis de Kerangal

"Il semble qu'au-delà de Novossibirsk, la Sibérie demeure ce qu'elle a toujours été : une expérience limite." Aliocha, conscrit de vingt ans, et Hélène, une Française, traversent le territoire en Transsibérie, en direction de l'est. Tous deux fuient : Aliocha le service militaire, et Hélène son amant. Aliocha, terrifié par les perspectives sibériennes, planifie sa désertion ; Hélène veut se perdre dans l'immensité russe.

"Après quoi, les rails irréversibles qui déplient le pays, déballent, déballent, déballent la Russie." Aliocha vont vivre une rencontre spéciale,à bord du Transsibérien qui les emmène, à la vitesse de soixante kilomètres heure, vrs l'ultima Thulé russe, la mythique Sibérie, "oubliette géante", "périmètre interdit", "zone mutique et sans visage", "territoire dont on ne revient pas".

Scandée par les arrêts - Krasnoïark, Irkoutsk - toujours plus orientaux, leur histoire déroule le vertige des distances russes, dans un superbe chant de l'immensité, incroyable prescience du vertige des distances que la prof de géo qui dort en moi ne peut que goûter avec délices. Au rythme saccadé, monotone et entêtant du train, le huis clos de la cabine est interrompu par les interventions du sergent ou de l'hôtesse, plaçant le lecteur dans une situation de complicité de cette improbable relation de confiance se nouant peu à peu entre Aliocha et Hélène.

Texte épuré et élégant, Tangente vers l'Est se distingue par la poésie gracieuse de son titre, et par son style où les mots sonnent clair et juste. L'écriture de Kérangal  manie les métaphores avec une habileté quoique pas sans lourdeur, au cœur de phrases amples comme des respirations.

Un bouquin lu dans le cadre de la sélection du Prix France Océans 2012.