La répétition, Eleanor Catton


Envie d'un roman radicalement différent, sensible et violent à la fois, tranchant et subtil ? Toutes ces qualités sont réunies dans la superbe et très réussie Répétition de la jeune Eleanor Catton.

M. Saladin, professeur de jazz band au lycée, est accusé par les parents d'une élève terminale, Victoria, de viol. Sa révocation et surtout la "faute" de Victoria ébranle le lycée et les consciences des élèves de fond en comble. Le retentissement est tel que l'évènement inspire la pièce de fin d'année montée par les étudiants de l'Institut voisin, une prestigieuse école d'acteurs. Les relations se nouent, fragiles et matures à la fois, les langues se dénouent, et la sensualité affleure au coin de chaque paragraphe. 

"M. Saladin a laissé derrière lui un méfiance singulière, tout ensemble ingénue, fasciné et aguichante, qui a ravagé mes élèves comme un virus. La jeune fille violée est suivie partout où elle va de chuchotements et de coups de coude et d'une jalousie aveugle et endolorie. Lorsque les lumières s'éteignent, les parents pleurent et se demandent l'un à l'autre ce qu'il lui a fait, mais c'est une toute autre question qui tracasse les filles : qu'est-ce qu'elle a fait, elle ? Qu'est-ce qu'elle sait maintenant qui la rend tellement dangereuse, comme la lente fuite ambrée d'un gaz nocif ?"

Une voix éminemment séduisante, différente, subversive et insidieuse, époustouflante à bien des égards. La justesse sensationnelle de cette écriture qui se savoure littéralement tient en grande partie à l'originalité d'une construction scandée par les confidences que les jeunes filles font à leur professeur de saxophone, figure ambiguë et tutélaire à la fois, et qui n'hésite pas à tisser patiemment la toile de la manipulation."Mes élèves, je les veux duvetées et pubescentes, arborant l'acné d'une sombre défiance, bouillonnant intérieurement de rage et d'ardeur et d'incertitude et de désolation", passage de témoin dangereuse entre enfance et âge adulte, ni tout à fait dans le monde des parents, ni tout à fait dans celui de ses élèves.

Un roman magique sur l'adolescence et son sublime éphémère, qu'on semble ne plus comprendre après l'avoir quitté pour toujours ; un roman où les adultes ne comprennent rien de rien et se font balader par de jeunes âmes innocentes et torves. Un roman exerçant un magnétisme étrange, malsain et presque vénéneux, évoquant D'Acier mais en mille fois plus élaboré, moins brut.

On a peine à croire que tout cela soit sorti de la plume d'une jeune femme d'à peine 25 ans ! Une vraie découverte, mieux, une révélation !

"N'oubliez pas que celui qui est assez malin pour vous rendre la liberté le sera aussi pour vous asservir".

Commentaires

  1. Bonjour,
    Il y a plein de critiques très élogieuses sur ce titre !!! Mais je n'avais pas encore vu qu'il s'agissait d'un roman des antipodes. Voilà qui va encore me motiver encore davantage pour le lire car je me suis plongée dans la découverte des écrivains de cette région du monde et je découvre des textes passionnants.
    A bientôt.

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  2. C'est spécial, mais franchement j'ai été séduite ! Que lis-tu d'autre dans ce coin ?

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    1. Bonjour,
      J'ai lu dernièrement des nouvelles de Fiona Kidman "Gare au feu", très particulières aussi, puis "La gifle" d'un auteur australien, C. Tsiolkas, que j'ai trouvé vraiment bien sur cette société du "bout du monde" et je compte découvrir "L'âme des guerriers" d'Alan Duff cet été. J'ai lu aussi "Ce qu'il advint du sauvage blanc" de F. Garde, un roman qui,en gros, pose la thème de la civilisation ...
      A bientôt

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  3. Vaste programme ! Pour tout dire c'était ma première incursion dans ce nouveau monde là ! Fiona Kidman est paraît-il très bien.

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