L'insomnie des étoiles, Marc Dugain



Dugain nous entraîne encore dans les méandres de l'Histoire. Après la première guerre mondiale et ses gueules cassées, les Etats-Unis d'Hoover et la Russie soviétique et post-sovétique, il transporte son lecteur dans un cadre post-apocalyptique, et au départ, assez incertain.

"La grande répétition de 1914 s'était faite sans motif, mais cette fois on avait mis de la substance à s'entre-tuer. Les hostilités finies, chacun retrouverait le chemin de la tranquillité , la paisible conscience d'avoir éradiqué une bonne fois pour toutes ce qui, sous des airs de matador, fait de l'homme un être débile, navré, moutonnier, avare de son intelligence autant que de son argent, consternant de conformisme jusque dans l'abattage de la partie adverse désignée en quelques mots simples et compréhensibles de tous".

1945. Une corvée de bois accomplie dans une journée glaciale d'hiver. Une adolescente hirsute dans une grande ferme abandonnée. Des soldats qui débarquent et poursuivent Maria. D'autres soldats qui investissent la ferme pour la piller. D'autres soldats encore, des Français, une compagnie dirigée par un capitaine bien décidé à faire la lumière sur le cas étrange de cette jeune femme cachant des ossements brûlés dans un coin de sa grange.

La guerre et ses suites sont atroces, c'est entendu. Mais derrière la petite histoire, c'est la grande qu'on retrouve, avec un secret qui cache les prémices de la solution finale, avec une enquête autour de l'Aktion T4, l'action d'élimination des malades mentaux menée par l'Allemagne nazie juste avant la seconde guerre mondiale. Louyre, un officier d'occupation de l'armée française, pousse son investigation dans ce village étrange où l'hôpital a été déserté, une histoire qui n'est finalement pas sans rapport avec celle de Maria.

"Non, si nous avons une crainte, c'est à propos des personnels d'exécution.Il est moins facile qu'on ne le pense de trouver de bons agents qui ne faiblissent pas devant la masse. C'est un problème qu'il ne faut pas sous-estimer. Nous y sommes déjà confrontés en Pologne. Le meurtre de masse suscite chez beaucoup une frénésie objective. Mais si l'opération perdure, elle finit par provoquer un dégoût de l'exécutant qui perd la motivation première de son geste. Pour caricaturer, à quelques exceptions près, je dirais que chacun de nous possède un enthousiasme à tuer limité".

Pas marquant, me suis-je dit au départ, au moment de chroniquer ce bouquin, incapable de me souvenir de la fin. Et pour cause, je n'avais pas fini le bouquin, c'est dire à quel point j'étais fatiguée ! Après m'être acquittée de la fin de la lecture, j'ai révisé mon jugement. Même si j'ai préféré de loin La chambre des officiers ou Une exécution ordinaire, L'insomnie des étoiles est, malgré un ton parfois un peu pontifiant,  une œuvre marquante à tous points de vue, épurée et vibrante. Plus parabolique et symbolique peut-être que les précédentes, cette œuvre continue pourtant à explorer les thématiques favorites de Dugain, avec entre autres la question des choix collectifs et de la morale individuelle pris dans l'histoire.

"La tranquille assurance qu'il affichait, sa marche déliée, la franchise de ses traits ne disaient rien sur le souffrance de l'officier. Il n'avait pas l'intention de se remettre de cette guerre, ni de l'enfouir dignement comme l'avaient fait ses parents, éponges silencieuses d'un siècle sans espoir. Il voulait toucher au fond, sans jamais se mentir, y patauger, se prétendre l'intime de l'insondable dans sa descente vertigineuse vers l'innommable dont un grand nombre croient s'affranchir par un mutisme salutaire."

Commentaires

  1. Un Marc Dugain qui ne tient pas complément ses promesses, c'est vrai, j'ai cependant apprécié toute la première partie et même si il y a des faiblesses sur la conduite de l'intrigue (l'histoire de Maria fait parfois un peu rapportée, j'ai trouvé), la qualité de l'écriture m'a fait quand même passer un bon moment .... Mon préféré de cet auteur reste malgré tout " La malédiction d'Edgar".
    A bientôt

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