La crypte des Capucins, Joseph Roth


« Toutefois, nous devions avoir bientôt la preuve que ces péchés, que mes amis et moi accumulions sur nos têtes, n’avaient rien de personnel, mais n’étaient que de légers symptômes, précurseurs d’un anéantissement déjà en voie de réalisation ».

Superbe préface d’un auteur que j’adore, Dominique Fernandez, intitulée « Le beau Danube noir », qui donne une résonnance toute particulière au texte exceptionnel de Roth.

« Au-dessus des verres où nous buvions ensemble, la mort croisait déjà ses mains décharnées » : cette petite phrase revient comme un lancinant et sinistre refrain rythmant la dégénérescence de l’empire. François Ferdinand vit la jeunesse dorée et insouciante des aristocrates viennois, alors que la Grande guerre approche. « Je partageais leur frivolité sceptique, leur mélancolie impertinente, leur laisser-aller coupable, leur air de distraction hautaine, enfin tous les symptômes d’une décadence dont nous ne percevions pas encore la venue ».

Le récit conduit le lecteur de 1914 jusqu’à l’Anschluss, avec une accélération vers l’étape ultime de la désagrégation de la fabuleuse mosaïque culturelle qu’a pu constituer aux temps de ses fastes la double monarchie austro-hongroise. « La quintessence de l’Autriche, on ne la découvre pas au centre de l’empire mais à la périphérie. ». Et la mort de l’empire, c’est le naufrage de Vienne. « Ainsi que mon père le disait souvent, la gaieté de Vienne, en sa diversité, se repaissait nettement de l’amour tragique voué à l’Autriche par les terres de la Couronne. Amour tragique, parce que sans réciprocité ».

C’est la fin, l’engloutissement d’un monde qui est dite là, et Fernandez établit un judicieux parallèle avec Le Guépard de Lampedusa, quoique cette œuvre de Roth, dans son esprit et sa délicatesse, soit bien différente.

Splendeur et misère de l’empire austro-hongrois. Une écriture lumineuse et élégante, des accents de Magris, une mélancolie somptueuse, une sublime élégie. Tout simplement magistral ! Bref, un bijou !

Commentaires

  1. tentée, je vais l'extraire très vite de ma PàL...

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  2. La mienne contient "La marche de Radetzky", un autre Roth. Pas improbable que je m'y mette !

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