La tour de guet, Ana Maria Matute


Dans un Moyen-Âge sombre et mystique, nous suivons les péripéties d'un jeune garçon au physique ingrat, mal aimé de son père, un seigneur vieillissant, et de ses frères qui le traitent avec cruauté. Certains côtés évoquent Le roi des Aulnes de Tournier

Dans un style riche et chatoyant comme une étoffe précieuse, un roman par bien des aspects halluciné - et même hallucinant, qui ne laisse pas de déconcerter et de surprendre, par sa profondeur, son effrayante poésie, ses inquiétants personnages - depuis le baron Mohl jusqu'à son ogresse d'épouse, en passant par la sentinelle de la tour de guet - et son extraordinaire puissance d'évocation, dans un tourbillon qui confronte le bien et le mal, le noir et le blanc, et le mystère des destinées auxquelles on n'échappe pas.

"Lorsque le vent d'hiver se mettait en fureur et chargeait contre les murs du château, je frémissais certes de peur. Le vent de notre terre, protégée par le coude du Grand Fleuve contre lequel s'étendaient les vignobles de mon père, n'étaient rien en comparaison de cet autre vent qui enveloppait et semblait même parfois prêt à arracher, à la racine, les créneaux et les tours. La neige s'élevait en tourbillons de poudre blanche, aussi légers que des plumes et, de loin, les dunes ressemblaient à une étrange forteresse, qui, de temps en temps, changeait de contours, ce qui, du moins pour moi, lui conférait la menace d'une inquiétante et fantomatique armée avançant, même sans le paraître, vers le château (et avant tout disposée à le démolir de fond en comble)" (page 101)

Roman d'apprentissage autant que réflexion métaphysique, La Tour de guet peut plaire ou ne pas plaire, mais il est difficile de rester indifférent à la magie, au caractère étrange, parfois terrifiant, et décidément inclassable de ce roman.

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