Les corrections, Jonathan Franzen



Les Lambert pourrait être une famille du Midwest américain comme les autres ... mais non (quoique ?).

Nous avons d'abord Chip, le fils d'une grosse trentaine d'années, vraisemblablement à la dérive malgré des débuts prometteurs dans la carrière universitaire ; pour l'heure, il rédige un scénario assez obscur en vivotant à New-York, après avoir été renvoyé de la fac pour cause de harcèlement sexuel.

Gary, le grand frère, sous des apparences plus flatteuses (cadre sup' ayant tout réussi, depuis son mariage, jusqu'à ses enfants, sa maison, ses hobbys), ne va finalement pas beaucoup mieux, et craint que la dépression clinique ne le guette.


Denise vit comme son frère à Philadelphie ; rien ne semble lui résister, elle qui est chef dans un grand restaurant branché où les stars se pressent ; mais sa vie sentimentale est un champ de ruines, comme sa mère ne se prive pas de le lui rappeler.

Enid (la maman) est d'ailleurs un sacré numéro ; insupportable à première vue, voire envahissante et souvent à la limite de l'hystérie, elle a pourtant de grosses difficultés dans sa vie quotidienne avec son mari Alfred, atteint de la maladie de Parkinson.

Les points de vue de tout ce beau monde s'entremêlent pour donner une chronique détonnante de la vie familiale. C'est d'ailleurs l'une des grandes réussites du roman, ce croisement des voix, qui inscrit chaque évènement dans une relativité déroutante mais si juste. Denise paraît être la fille parfaite, attentionnée avec son père et patiente avec sa mère, mais ne cache-t-elle pas un secret ? Gary semble très dur, inflexible avec ses parents âgés et malades, mais il est tyrannisé par sa femme ... ou alors est-il seulement paranoïaque ? Chip le fils indigne part en Lituanie sur un coup de tête, mettant sa mère au désespoir ... est-il complètement raté ou au contraire brillant ?

Il faut ajouter que la deuxième grande qualité du roman est qu'il est à proprement parler désopilant, on rit beaucoup avec des scènes inoubliables, impliquant notamment Chip, par exemple lorsque, cachant un saumon dans son slip, il recontre un ami qui lui tient la jambe tandis que ledit saumon dégouline dans son pantalon. Jonathan Franzen écrit avec humour et finesse, même lorsque les sujets traités sont graves (la maladie, l'échec, la vieillesse).

Mais avec en deuxième intention, une réflexion assez profonde sur les rapports familiaux, et la difficulté d'être soi-même et d'être avec les autres. Et la critique est parfois acide ! Un petit côté Rachel Cusk (Arlington park), en moins grinçant quand même, et en moins désespéré.

Roman au final plus ambitieux qu'il n'y paraît (sur le fond, dans la construction), dont la lecture est très agréable et recommandée (enfin selon moi, bien sûr). De surcroît, le type est sympathique (voir les remous provoqués par son refus d'être estampillé dans le show d'Oprah Winfrey), ce qui ne gâche rien.

Commentaires

  1. Bonjour,

    Travaillant comme traducteur, j’ai en ce moment à traduire un article faisant une critique du livre de Jonathan Franzen et comprenant la citation suivante :
    "Partout dans la maison résonnait une alarme, que nul n’entendait hormis Enid et Alfred. C’était l’alarme de la peur."
    N’ayant pas lu moi-même ce roman et me trouvant en Allemagne (et donc dans l’impossibilité d’avoir accès à la version française), j’ai traduit cette citation depuis l’allemand.
    Cependant, je voulais vous demander si vous vous rappelez cette phrase (qui est vraisemblablement au début de la nouvelle concernant Enid ou de celle sur Alfred) et si vous pourriez me donner la version du traducteur officiel ?

    Cordialement,

    Pierre-Yves.

    RépondreSupprimer
  2. Oh la la je crains fort de ne pas pouvoir vous aider, car je n'ai plus ce livre que j'avais emprunté et que j'ai lu il y a déjà un moment !

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Réagissez !