Les émigrants, W.G. Sebald


Pas de lecture depuis un bout de temps ... ou plutôt si, je me suis embourbée depuis un mois dans Waltenberg dont j'aurais bientôt l'occasion de parler - un pavé donc, que j'ai malencontreusement sorti de mon sac en début de semaine pour caler le vidéoprojecteur, et qui est donc malencontreusement resté au lycée le soir.

Impossible pour moi de rester sans lecture le soir ... je me lance donc dans un nouveau bouquin : Les émigrants de Sebald, un auteur que pour l'occasion je découvre.


C'est à mon sens un très beau livre, que j'ai dévoré d'une traite, qui n'est ni vraiment un roman, ni vraiment une autobiographie, ni vraiment une fiction, mais plutôt une sorte d'enquête, de quête, même, agrémentée de photographies, un peu comme les magnifiques Disparus de Mendelsohn, ou, dans un tout autre genre Istanbul de Pamuk. J’aime assez ce procédé, qui ajoute une dimension sensible très touchante à l’œuvre - qui correspond d’ailleurs, dans les trois cas, à un véritable parcours personnel.

Bref, pour en revenir aux Emigrants, il s’agit de quatre « récits » de vie, qui redonnent leur dignité à ces migrants ou ces déracinés, marqués par le destin chacun à leur manière (j’ai bien aimé l’instituteur et ses méthodes pédagogiques … particulières … ou le très beau texte sur Manchester qui clôt le livre). En filigrane se dessine la tragédie du génocide juif, mais toujours effleurée sans être réellement évoquée. La pensée vagabonde, c'est fin, et c'est sensible. Beau récit sur les êtres brisés par les départs et les retours toujours recommencés.

« Je vois les pièces vidées. Je me vois assis tout au sommet de la carriole, je vois la croupe du cheval, la vaste étendue de terre brune, les oies dans la gadoue des basses-cours et leurs cous tendus, et aussi la salle d'attente de la gare de Grodno avec, au beau milieu, le poêle surchauffé entouré d'une grille et les familles d'émigrants regroupées tout autour. Je vois les fils du télégraphe montant et descendant devant les fenêtres du train, je vois les alignements des maisons de Riga, le bateau dans le port et le recoin sombre du pont où, autant que l'entassement le permettait, nous avions installé notre campement familial. »

Paru en allemand en 1992 – en poche chez Folio, 8.70 euros – 309 pages

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