Tes yeux bleus occupent mon esprit, Djilali Bencheick


Je suis tombée par hasard sur ce joli (d’un point de vue esthétique) livre, publié chez un éditeur inconnu de moi – Elyzad – qui est un éditeur tunisien : beau papier, belle couverture, et format petit poche. La quatrième de couverture m’accroche aussi. Et c’est une jolie surprise !

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Cela commence comme cela : « Je viens juste de l’apprendre. Les couleurs ont une âme. Mes camarades ne veulent pas le croire, mais moi je suis d’accord avec la maîtresse. Les couleurs expriment des sentiments. Et chacune d’elles d’habille d’un symbole ». Et c’est là le début d’un beau roman d’apprentissage. Nous suivons les aventures de Salim, un enfant algérien du douar, âgé de dix ans dans les premières pages, dans les années 1950 et 1960.

Il s’agit à la fois d’une sorte de Petit Nicolas à Orléansville, avec des péripéties, des bêtises, et un humour plein de tendresse sur l’enfance. C’est aussi un récit plus grave, celui des « z’èvenemlents » de la guerre d’Algérie, vus par le regard tantôt naïf, tantôt idéaliste, d’un jeune garçon puis d’un adolescent. C’est l’éveil de Salim à la vie, aux désirs, à la politique. C’est son éveil aussi à la connaissance et au bonheur de savoir, l’éducation lui permettant d’échapper à son destin – apparemment tout tracé – de berger. Cette fascination tiraille Salim

Bien loin de tomber dans des clichés caricaturaux, le récit forme un tissage complexe et nuancé, souvent très émouvant, comme ce discours que l’instituteur M. Vermeille tient à ses élèves au début de la guerre, lors du dernier cours de l’année scolaire : « Encore une fois je vous en prie. Ne cédez pas à la folie des hommes qui veulent déchirer ce beau pays. Il est possible que ces paroles déplaisent à des oreilles récalcitrantes. Peu importe. Je m’adresse avant tout à ceux qui veulent avancer sur la voie du progrès » (page 137).

Le style – qui évolue en même temps que Salim grandit – est léger et enlevé, et nous promène d’épisode en épisode au sein de chapitres courts se succédant rapidement.

Beau portrait d’adolescent, et beau portrait de la jeune Algérie aussi.

Paru en 2010 - Elyzad, 8.90 euros - 352 pages

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