Vieille Sicile, Luigi Pirandello

Où un jeune prêtre défroqué regarde l’herbe pousser ;

Où Dom Ravana cherche à contourner les prescriptions de son médecin mais son sacristain veille à ce qu’il consomme du bouillon (ou du moins essaye) ;

Où les fils partis au loin sont parfois ingrats ;

Où un marin norvégien échoue dans un petit port sicilien ;

Où les invitations à dîner de la fratrie Borgianni sont pour le moins redoutables.


L’incipit

« - Et vous aviez pris tous les ordres ?

- Non, pas tous. Je n’étais arrivé qu’au sous-diaconat.

- Ah, ah ! Vous étiez sous-diacre … Et que fait un sous-diacre ? »


Comment en suis-je arrivée là ?


Je connaissais Six personnages en quête d’auteur (du théâtre), mais j’ignorais que Pirandello avait écrit beaucoup de nouvelles … et celle-ci sont publiées chez Gallimard, dans la collection « L’imaginaire » dont j’aime beaucoup les choix éditoriaux.


De quoi s’agit-il ?


Difficile de résumer l’intrigue d’un recueil de nouvelles ; on peut néanmoins dire que celles-ci concernent toutes la Sicile au début du XXe siècle, ses fatalismes, ses tempéraments entiers et impulsifs, ses superstitions, le poids encore prégnant de l’Eglise, ses brigands qui battent la campagne, son émigration, ses paysages et sa pauvreté enracinée.


La citation


« N’avoir plus conscience d’être, comme une pierre, comme une plante ; ne plus même se rappeler son nom ; vivre pour vivre sans savoir qu’on vit, comme les bêtes, sans passions, sans désirs, sans mémoire, sans idées, sans rien qui donne encore un sens, une valeur à la vie. Etendu sur l’herbe, les mains croisées derrière la nuque, regarder dans le bleu du ciel la blancheur aveuglante des nuages, gonflés de soleil ; écouter le vent comme un bruit de mer dans les châtaigniers, et dans la voix du vent, dans cette rumeur marine percevoir, comme venue d’une infinie distance, la vanité de tout, l’angoisse et le poids mortel de l’existence. » (p. 20)


Ce que j’en ai pensé :


Ce mois italien prend de plus en plus l’allure d’un mois sicilien ! Je n’avais jamais remarqué la densité ded grands auteurs issus de cette grande île …

Je redoutais en revanche les nouvelles, que je ne goûte d’ordinaire pas particulièrement – quoique j’idolâtre Buzzati. Mais en fait Pirandello a véritablement le sens de la nouvelle.


Ce qui est frappant et particulièrement intéressant, c’est la manière dont Pirandello multiplie les points de vue des différents personnages, en démontrant la relativité – très frappante dans « L’autre fils ».


Les personnages ont donc une véritable épaisseur, ainsi de l’oncle bourru qui est vice-consul de Suède, ou encore de Lars, support d’une belle réflexion sur l’étranger qui souligne encore un peu plus la fermeture de la société sicilienne. Un bien joli recueil, plein d’humanisme … et d’ironie.


Paru en italien en 1928 – en poche chez Gallimard, coll. « L’Imaginaire », 6.50 euros– 134 pages.

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