Parfum de femme, Giovanni Arpino

Où le Turin – Naples n’a rien d’anodin ;

Où les petites filles deviennent des femmes ;

Où l’ignoble devient (presque) attachant.


L’incipit

« Une grosse mouche dorée bourdonnait contre la fenêtre du palier et les murs sentaient la peinture fraîche. Découvrant, à la faveur d’un brusque virage, l’espace entre les vitres entrouvertes, la mouche disparut en mordant joyeusement l’air. Je gagnai moi aussi la fenêtre pour jeter mon mégot. »


Comment en suis-je arrivée là ?


En tombant dessus. J’ai lu quelque part qu’il y avait eu une adaptation au cinéma avec Vittorio Gassman (dans le rôle de l’officier infirme), qui est l’un de mes acteurs italiens fétiches … j’essaye de le dénicher (le film, pas Vittorio Gassman).


De quoi s’agit-il ?


Un jeune appelé, un peu naïf, est chargé d’accompagner Fausto G., un ex-officier dans la fleur de l’âge, rendu infirme par la manipulation d’une bombe lors d’un exercice militaire. Fausto G. est aveugle, perpétuellement masqué par ses lunettes de soleil, et ne peut se servir de l’une de ses deux mains ; il est cynique et désabusé.

Balançant entre haine, humiliation, sadisme et pitié, une relation des plus étranges s’instaurent entre les deux membres de cet improbable couple, au fil d’un road movie (ou plutôt de ce train movie, si l’on peut dire) entre Turin et Naples. Jusqu’à la cité parthénopéenne où la tension accumulée depuis le début du voyage fait tout basculer.


La citation


« Le monde est destruction, et cette destruction, il l’a en lui. Tu le vois, immobile, magnifique, mais à l’intérieur, c’est un champ de ruines » (p. 117)


Ce que j’en ai pensé :


J’ai quand même trouvé qu’il y avait quelques longueurs dans la première partie, dans laquelle j’ai eu un peu de mal à entrer (peut-être pas la tête à ça ?). Et puis on a envie de secouer le jeune militaire, dont on a l’impression qu’il se fait complètement écraser par l’asservissement que semble lui imposer son compagnon – qui est pourtant dépendant de lui. Avant de comprendre que tout cela est bien plus compliqué qu’il n’y paraît. La deuxième partie, en revanche, est beaucoup plus rapide, subissant une soudaine accélération, et il devient dès lors difficile de lâcher le bouquin, qui est, par ailleurs, assez court (moins de 200 pages).


Les personnages sont extrêmement bien campés, et Fausto est un beau « méchant » ; tour à tout on le haït, on le prend en pitié, voire même on l’admire ; il est plein de nuances et beaucoup mieux brossés que certains odieux un peu trop « mono-blocs ».


Mais bon … il s’agit d’un roman d’une grande noirceur, et il faut reconnaître que c’est un chef d’œuvre de psychologie. Brutal et cruel. Au climat oppressant. C’est très bien, c’est vrai … mais mieux vaut ne pas avoir le moral dans les chaussettes.


Paru en français en 2005 – 10/18, 7.90 euros – 189 pages.

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