Le vicomte pourfendu, Italo Calvino

Où le professeur Trelawney essaye (sans succès) d’emprisonner les feux follets ;

Où des doigts coupés indiquent le chemin ;

Où Maître Pierreclou perfectionne son savoir-faire en matière de construction de potence ;

Où les lépreux remplacent les femmes de mauvaise vie à Préchampignon ;

Où le vicomte décide de tomber amoureux de la petite bergère Pamela.



L’incipit


« On faisait la guerre aux Turcs. Le vicomte Médard de Terralba, mon oncle, chevauchait à travers les plaines de Bohême. Il se dirigeait vers le camp des chrétiens. Il était suivi d’un écuyer appelé Kurt. De blancs vols de cigognes traversaient, près de terre, l’air opaque et figé ».


Comment en suis-je arrivée là ?


J’ai lu récemment un autre roman de Calvino : Si par une nuit d’hiver un voyageur, qui constitue une passionnante réflexion sur la littérature en général et le roman en particulier, menée de main de maître et sous une forme très inhabituelle, où Calvino joue véritablement avec son lecteur. Emballée, j’enchaîne avec Le vicomte pourfendu, le premier volume de la « trilogie héraldique », complétée par Le Baron perché et Le Chevalier inexistant.


De quoi s’agit-il ?


Le vicomte Médard de Terralba se porte volontaire pour combattre les Turcs dans les rangs de l’armée de l’empereur, et quitte ainsi sa terre ligure natale. Mais dès le premier jour des combats, il est touché, du fait de son inexpérience, par un boulet qui le frappe de front et coupe son corps en deux moitiés, depuis le sommet de la tête jusqu’aux pieds.


Il s’en retourne donc atrocement mutilé dans son fief. Et c’est vraisemblablement la « mauvaise » moitié (la moitié droite) qui est rentrée, et le demi-vicomte fait dès lors trembler la contrée, en se livrant à des exactions cruelles qui épouvantent les villageois.


Soudain, pourtant, la seconde moitié ressurgit, pour commettre, cette fois, des excès de bonté … mais s’agit-il vraiment de la meilleure part du vicomte ?


La citation


« Si tout ce qui est entier pouvait être ainsi pourfendu ! dit mon oncle, couché à plat ventre sur l’écueil et caressant les spasmodiques moitiés de poulpe. Si chacun pouvait sortir de son obtuse, de son ignare intégrité ! J’étais entier, et toutes les choses étaient pour moi naturelles, confuses et stupides comme l’air ; je croyais tout voir et ne voyait que l’écorce. Si jamais tu deviens la moitié de toi-même, et je te le souhaite, enfant, tu comprendras des choses qui dépassent l’intelligence courante des cerveaux entiers » (p.59-60)


Ce que j’en ai pensé


C’est une fable pleine de malice et de poésie, et finalement presque un conte philosophique, prétexte à une jolie réflexion sur la nature humaine, sa dualité, ses paradoxes et même ses contradictions. En somme un texte brillant, où l’on comprend que l’excès (dans un sens comme dans l’autre) est néfaste.


Paru en italien en 1952 – en poche : Le Livre de Poche, collection « Biblio roman », 3.50 euros – 123 pages.

Commentaires

  1. Des trois volumes de la trilogie, c'est mon préféré, à cause, comme tu le dis si bien, de cette ressemblance avec un conte philosophique.
    Je vais suivre un chemin inverse et me diriger vers Si par une nuit d'hiver un voyageur.

    RépondreSupprimer
  2. Le vicomte est le seul que j'ai lu sérieusement de la trilogie (Le Baron perché j'étais ado et je n'ai que des souvenirs assez vagues). Quant à Si par une nuit d'hiver un voyageur, j'ai bien aimé pour la réflexion proposée sur l'écriture, mais il est vrai que c'est un texte (un roman ?) inclassable, et qui ne ressemble à aucun autre !

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Réagissez !